Corinne Bessonies : Hôpital de Jossigny, état critique

Corinne BessoniesCorinne Bessonies est manipulatrice en imagerie médicale et secrétaire de la CGT de l'hôpital de Jossigny. Elle décrit le problème de l'intérieur.

 Le Canard Forgeron : Quelles sont les raisons de la fermeture de l’hôpital de Lagny-sur-Marne et de son déménagement à Jossigny ?

Corinne Bessonies : Le projet de départ partait d'un besoin : celui d'un hôpital plus grand, plus fonctionnel. Cette volonté était partagée par le personnel. Il était compliqué de reconstruire quelque chose sur le site de Lagny. La décision d'aller s'installer à Jossigny, dans un bâtiment neuf, fut à la fois une décision de la direction de l'hôpital et un choix politique. Elle a été prise dans le contexte de la loi Bachelot dont les mesures phares sont la tarification à l'activité et le retour à l'équilibre des comptes. C'est-à-dire une logique comptable de gestion de l'hôpital public.

La direction, ainsi que les autorités de tutelles, voulant répondre aux besoins d'une population plus importante, avaient tablé dans un premier temps sur 590 lits et places. Cette estimation n'a cessé d'être revue à la baisse pour des raisons budgétaires. Aujourd'hui, l'hôpital de Jossigny ne compte finalement que 426 lits et places de court séjour médecine, chirurgie et obstétrique (MCO). Soit une capacité d'accueil bien inférieure à ce qui avait été projeté au départ.

Au début, le personnel était très favorable au transfert, les locaux de Lagny étant devenus trop petits, inadaptés. Ils pensaient bénéficier à Jossigny de bien meilleures conditions de travail. Aujourd'hui, ils tombent de haut. Les espaces de travail sont trop étroits, mal agencés, de nombreux bureaux sont aveugles, sans lumière du jour.

 

CF : Pouvez-vous nous décrire les conditions du déménagement ?

CB : Le déménagement a été imposé beaucoup trop tôt. Les bâtiments n'étaient pas encore en capacité d'accueillir des patients. Les premiers malades n'avaient pas la télévision, aujourd’hui ils n'ont toujours pas le téléphone 3 mois et demi après l'ouverture. La cafétéria n'était pas encore en activité. Tout cela a impacté et impacte encore directement les patients. Le personnel a du faire face à une vague importante de mécontentement de la part des patients alors même qu'ils devaient compenser de nombreux dysfonctionnements : le transport automatisé ne fonctionnait pas (et ne fonctionne toujours pas), le système pneumatique de transport d’examens ou de demandes d’examen entre services n'était pas opérationnels, tout ceci à occasionné une surcharge de travail très importante, de nombreux aller-retours inutiles.

A l'heure actuelle l'hôpital n'est toujours pas opérationnel à 100%. De plus le transfert à été l'occasion d'une restructuration importante. Les effectifs n’ont pas été revus en fonction de l’augmentation de l’activité. Nous ne sommes donc pas assez nombreux à Jossigny alors même que l'hôpital est plus grand. Nos conditions de travail se sont considérablement dégradées.

 

« Ce déménagement a été l'occasion de privatiser plusieurs services. »

CF : Les services de l'hôpital de Lagny ont-ils tous été transférés à Jossigny ?

CB : Malheureusement, non. Ce déménagement a été l'occasion de privatiser plusieurs services. La radiothérapie a été confiée à la clinique Saint-Faron de Meaux. Il n'y a donc plus de service de radiothérapie publique dans le Nord de la Seine-et-Marne. La médecine nucléaire (la scintigraphie) a également été confiée au privé. Il subsiste actuellement des menaces sur d'autres services, comme le nettoyage, les prises de rendez-vous ou les comptes-rendus.

En ce qui concerne le parking, il a été concédé à Vinci. Les machines sont installées mais pas encore opérationnelles. La première heure de stationnement est gratuite, mais la seconde est à 2 euros 60 et il faudra compter 10 euros pour un stationnement de 24h. A Lagny, le parking était intégralement gratuit.

 CF : Vous étiez en grève à la fin du mois de janvier. Pour quelles raisons ?

CB : Effectivement, nous avons connu un mouvement fort entre le 31 janvier et le 2 février. Nos revendications portent sur le manque d'effectif, que nous chiffrons à 208 agents sur Jossigny. Nous réclamons également la titularisation de tous les collègues contractuels ainsi que l'abrogation de la loi Bachelot, qui ne raisonne qu'en terme de rentabilité financière.

Nous nous sommes également mis en grève le jeudi 28 février afin d'être reçus au ministère de la santé... Les syndicats ont pu y exprimer leurs revendications concernant le manque de personnel dans tous les services, les mauvaises conditions de travail, ainsi que le manque de dialogue avec l’actuelle directrice. La réponse du ministère n’a porté évidement que sur l’absence de dialogue social et comment y remédier. Une réunion spécifique sur ce sujet sera programmée fin mars.

Pour le reste, la réponse est : « il n’y a pas d’argent et l’hôpital doit éponger le déficit! »

 CF : Justement, Martine Ladoucette, la directrice de l'hôpital, affirme que les ratios de personnels sont convenables...

CB : Nous constatons tout le contraire au quotidien. Les personnels sont à bout, en souffrance, les arrêts maladie sont en augmentation. De plus en plus de collègues viennent se renseigner pour des demandes de disponibilité ou pour connaître les conditions de démission. En ce qui concerne les ratios dont parle Mme Ladoucette, il s'agit de moyennes qui cachent de très fortes disparités. Il ne faut pas oublier que l'hôpital de Jossigny a sur son secteur des villes comme Torcy, Lognes ou Noisiel qui comptent un indice de précarité très élevé.

 

« Si nous n'obtenons pas plus de moyens, notre avenir s'annonce vraiment sombre. »

CF : Comment voyez vous votre avenir ? Quelles sont vos actions à venir ?

CB : Nous espérons que le ministère entendra nos demandes et sera à l'écoute des personnels. Si nous n'obtenons pas plus de moyens, si le gouvernement ne prend pas un vrai virage en faveur de l'hôpital public, notre avenir s'annonce vraiment sombre. Et nous continuerons à réclamer que l'hôpital puisse pleinement répondre aux besoins des populations dans de bonnes conditions.

 CF : Avez-vous eu des soutiens politiques ?

CB : Nous avons le soutien quotidien des usagers. Nous avons aussi celui du Front de Gauche. Le député nous a accompagnés au ministère. Nous avons d'ailleurs pu y présenter une pétition de plus de 5000 signatures soutenant nos revendications. Il est important que les usagers et les citoyens sachent qu'ils peuvent se faire entendre au sein de « l'espace usagers » de l'hôpital. Ils peuvent par ce biais faire connaître leurs remarques ou doléances et siéger au sein du Conseil de surveillance de l'hôpital. Il faudrait que les usagers se saisissement pleinement de cet outil...

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